Garantir des revenus et des investissements dans les services locaux, une nécessité absolue pour la reprise mondiale
27.04.2020
La pandémie du COVID-19 affecte la fourniture de services locaux partout dans le monde. La session d’apprentissage en direct sur les finances locales a souligné combien il est essentiel pour les collectivités territoriales d’avoir accès au financement et de rassembler l’ensemble des acteurs afin de préserver les ressources mondiales et de promouvoir les agendas universels de développement pendant la crise, et après.
La session d’apprentissage en direct qui a eu lieu le 23 avril 2020, organisée en collaboration avec le Fonds mondial pour le développement des villes (FMDV) et le Fonds d’équipement des Nations unies (FENU), a permis de favoriser les échanges entre les collectivités territoriales et des partenaires clés tels que l’Agence française de développement (AFD), la Fondation Rockefeller et la Commission européenne, sur les mesures nécessaires pour garantir l’accès des collectivités territoriales aux financements face à la crise et assurer la reprise.
Des maires, des maires adjoint·e·s, des élu·e·s régionaux, des conseiller·e·s municipaux et des représentant·e·s de gouvernements nationaux du monde entier ont partagé leurs expériences et leurs difficultés en matière d’accès au financement. Mpho Parks Tau, vice-ministre du département sud-africain de la gouvernance coopérative et des affaires traditionnelles et ancien président de CGLU ; Moloantoa Geoffrey Makhubo, maire de Johannesburg ; Juan Espadas, maire de Séville ; Osei Asibei Antwi, maire de Kumasi ; Aníbal Gaviria, gouverneur d’Antioquia et président de Cities Alliance ; Pauline Lukwayi, maire adjointe de Gulu ; Bev Esslinger, conseillère municipale d’Edmonton ; Diana Alarcón, conseillère en chef et coordinatrice des relations internationales de la ville de Mexico, ont débattu de la situation actuelle concernant l’accès des collectivités territoriales au financement, des initiatives visant à assurer des services à leurs citoyen·ne·s et de la manière dont le système doit évoluer pour devenir plus durable à l’avenir.
Parmi les partenaires, David Jackson, directeur du département de financement du développement local du FENU, Frédéric Audras, responsable de la division Développement urbain, aménagement et logement de l’AFD, Lauréline Pla, membre de la division Investissements et financements innovants de la Direction générale de la coopération internationale et du développement de la Commission européenne (DG DEVCO), et Elizabeth Yee, cheffe de cabinet du bureau du président de la Fondation Rockefeller ont présenté le rôle que pouvaient jouer les institutions et fondations internationales pour faciliter l’accès des collectivités territoriales aux financements dans le contexte d’urgence actuel et au-delà.
Maimunah Mohd Sharif, secrétaire générale adjointe de l’ONU et directrice exécutive d’ONU-Habitat, a introduit la session en soulignant l’urgence à laquelle sont confrontées de nombreuses collectivités territoriales dans le monde. Elle a instamment invité les participant·e·s à réfléchir à la manière d’apporter un soutien aux personnes les plus vulnérables. Le rôle des gouvernements locaux à cet égard est crucial : « Les villes ont besoin de fonds aujourd’hui pour faire face à l’urgence et aux impacts socio-économiques immédiats ; elles auront besoin de fonds demain pour assurer une reprise différente, où la résilience face aux chocs futurs sera renforcée, et qui ne laissera personne ni aucun territoire pour compte ».
« Le moment est venu d’un débat nouveau. Il est temps de prévoir davantage de mécanismes de reddition de comptes en matière de budget et de dépenses, de conclure de nouveaux accords et d’améliorer la gestion budgétaire à tous les niveaux », a-t-elle ajouté, soulignant l’importance de la confiance entre les différentes sphères de gouvernement et la nécessité d’améliorer l’accès des collectivités territoriales à l’emprunt.
Mpho Parks Tau, vice-ministre de la gouvernance coopérative et des affaires traditionnelles d’Afrique du Sud, a présenté la réponse apportée par son pays à la pandémie, notamment les mesures de relance destinées aux collectivités territoriales, et a appelé chacun à réfléchir collectivement à la manière d’aider les collectivités locales à consolider leurs ressources propres. Il a également appelé à la création d’un fonds de relance incluant les gouvernements locaux, afin que tous les niveaux de gouvernement puissent répondre aux défis présents et futurs de la pandémie.
« Collectivement, en tant que communauté mondiale, nous devons réfléchir à la manière d’aider les collectivités territoriales à consolider leurs systèmes de revenus, ainsi qu’à la manière dont elles accèdent aux mécanismes de financement. Nous devons enfin réfléchir à un fonds de relance qui inclurait les collectivités territoriales afin que tous les niveaux de gouvernement soient en mesure de répondre aux défis auxquels nous sommes confrontés ».
David Jackson, directeur du département de financement du développement local au FENU, a introduit le débat en présentant le financement des collectivités locales comme l’une des solutions clés pour accélérer la réponse à cette crise, mais aussi comme une solution encore insuffisamment adoptée de façon systématique. Il a insisté sur la nécessité de rebâtir l’espace budgétaire au fur et à mesure que se configure « la nouvelle normalité », et de redynamiser l’économie locale, grâce à des outils tels que le Fonds international d’investissement municipal, mis en œuvre en partenariat avec CGLU et FMDV, en promouvant des projets ayant un impact économique local et contribuant à rebâtir l’espace budgétaire local.
« Nous voyons qui sont les travailleurs essentiels, mais aussi qui sont les institutions essentielles. Les ministères de la santé sont bien sûr d’une importance primordiale, mais les gouvernements locaux sont déterminants pour la reprise ».
La première table ronde, animée par Jean-François Habeau, directeur exécutif de FMDV, a présenté les principaux défis et les solutions portées par les collectivités territoriales ; elle s’est articulée autour de trois questions clés posées aux participant·e·s : 1) comment le COVID-19 affecte les finances des collectivités territoriales ; 2) quelles mesures ont été prises pour faire face à une pression financière sans précédent ; et 3) quels enseignements peuvent en être tirés pour préparer l’avenir.
Moloantoa Geoffrey Makhubo, maire de Johannesburg, a souligné que la réponse dans sa ville avait été orientée, d’abord, vers des mesures de santé publique et l’achat de matériels sanitaires. Dans un second temps, la ville a émis une obligation pour que les familles puissent bénéficier de denrées alimentaires. Pour la suite, il a plaidé pour que soit assuré le maintien des services publics et apporté un soutien aux plus défavorisé·e·s en période de contraction économique.
Juan Espadas, maire de Séville, et Aníbal Gaviria, gouverneur d’Antioquia, ont tous les deux souligné la nécessité de prioriser l’innovation et la durabilité au lendemain de la crise. Pour le maire de Séville, les futurs investissements doivent être orientés vers l’« économie verte » ; dans les premières phases de la reprise, il est également essentiel de cibler les personnes les plus vulnérables et celles qui travaillent dans l’économie informelle. Le gouverneur d’Antioquia a fait valoir que l’économie verte est un élément clé pour éviter de futures crises. Il sera essentiel de renforcer les dispositifs de télétravail, ainsi que les services de santé et d’éducation à distance, et de faciliter l’accès des collectivités territoriales à l’emprunt. Il a également appelé les réseaux de gouvernements locaux et régionaux tels que CGLU à plaider en faveur d’une banque des collectivités territoriales pour permettre l’accès aux financements.
Osei Asibei Antwi, maire de Kumasi, a signalé que le dialogue avec le gouvernement national avait été essentiel pour lancer une obligation d’Etat en vue de se préparer à la crise à venir, tandis que l’adjointe au maire de Gulu, Pauline Lukwayi, a appelé les organisations internationales à aider les collectivités territoriales à se préparer à l’après-crise et à coordonner les réponses au niveau mondial.
Bev Esslinger, conseillère municipale d’Edmonton, a avancé que les collectivités territoriales doivent être attentives à la manière dont la reprise affectera les différents secteurs de la population, et a appelé à ce que les femmes soient engagées dans la recherche de solutions, car elles sont touchées de manière très forte par les effets économiques de la crise. Diana Alarcón, conseillère en chef et coordinatrice des relations internationales de la ville de Mexico, a souligné les efforts déployés par la ville de Mexico en matière de collecte des impôts afin de maintenir une source de revenus stable pendant la crise, et a appelé à la consolidation d’une alliance renouvelée avec le secteur privé, par le biais de réglementations claires, et d’un engagement avec la société dans son ensemble.
La deuxième table ronde, introduite par Emilia Saiz, secrétaire générale de CGLU, a recueilli les points de vue des principaux partenaires impliqués dans l’écosystème financier des collectivités territoriales.
Frédéric Audras, responsable de la division Développement urbain, aménagement et logement de l’AFD, a affirmé que les collectivités territoriales ont un rôle financier et budgétaire décisif à jouer dans l’après-crise, et que l’AFD a le mandat de faire pression sur les gouvernements nationaux pour s’assurer qu’ils ne réduisent pas les budgets locaux et régionaux dans une période aussi critique. La localisation des financements, a-t-il ajouté, ainsi que de la prise de décision, sont essentielles pour construire des territoires résilients.
Lauréline Pla, membre de la division Investissements et financements innovants de la DG DEVCO de la Commission européenne, a déclaré que la Commission européenne s’efforçait d’accroître les financements fournis par les institutions financières aux collectivités territoriales en Afrique et dans les pays du voisinage européen, ainsi que de permettre aux institutions financières locales d’améliorer leurs connaissances sur les finances locales.
Elizabeth Yee, cheffe de cabinet du bureau du président de la Fondation Rockefeller, a fait valoir que les filets de sécurité dans de nombreux pays comme les États-Unis se sont révélés inadéquats et que l’objectif principal est désormais de garantir une plus grande sécurité alimentaire aux populations et de se concentrer sur les travailleurs à faibles revenus et ceux qui n’ont pas accès à la protection sociale. Elle a réaffirmé l’engagement de la Fondation Rockefeller à améliorer les perspectives économiques d’aujourd’hui et de demain.
Emilia Saiz, secrétaire générale de CGLU, a clôturé la session en mettant en garde contre le manque de financement des collectivités territoriales. Elle a attiré l’attention sur les mesures financières identifiées dans le Décalogue des gouvernements locaux et régionaux pour l’ère post-COVID-19, et plaidé pour qu’un soutien financier direct et immédiat soit apporté aux collectivités territoriales pour faire face à la crise. Elle a appelé à consolider la coalition mondiale sur les finances municipales, la Coalition de Malaga, et réorienter les financements du Fonds international d’investissement municipal vers la reconstruction liée au COVID-19, tout en promouvant un débat public renouvelé sur les transferts budgétaires. Enfin, elle a défendu la nécessité de faire un pas en avant résolu en matière d’instrument financier d’appui à l’ère urbaine : il est temps que voie le jour un fonds ou une banque mondiale si nous voulons garantir la fourniture des services dont nous avons besoin.